La petite enquête de Simon sur les habitants du square la Bruyère de Paris

Les habitants du square la Bruyère de Paris de la Belle Époque aux Années folles ,
par Les Enquêtes de Simon

Veuillez noter qu’il serait préférable de lire le livre « La Rue des Dames » (T-5 des Enquêtes de Simon) avant cet article car il contient quelques révélations sur cette enquête !

Il est des lieux qui resteront toujours dans l’anonymat soit à cause de leur insipidité soit par leur manque de bonne fortune et d’autres qui seront chargé d’une lumière offerte par une destinée à laquelle ils n’auraient de toute évidence pas échappé. C’est le cas du square la Bruyère qui eut le privilège d’abriter plus de célébrités en tout genre que les autres et qui, de par sa bienveillance toute accueillante, eut à payer le prix de la réputation de ces vedettes.

Marthe de Florian et son appartement oublié, n° 2 square La Bruyère

L'Appartement oublié de Marthe de Florian-Marthe de Florian-MArthe de Florian-Portrait Boldini-La Rue des Dames-Annabel-Gaelis Editions

Actrice mais surtout cocotte, Marthe de Florian, à la magnificence blonde, collectionnait les passionnettes avec les illustres de ce monde autant que les belles tenues. Elle fut intime de nombre de personnages politiques comme Clémenceau, de Pierre Waldeck RousseauPaul DeschanelGaston Doumergue, mais aussi du fondateur de la Samaritaine et (on ne le saura jamais mais des doutes demeurent !) avec l’artiste peintre italien Giovanni Boldini.

Née Mathilde Héloïse Beaugiron en 1864 à Paris, elle eut deux fils dont un seul survivra, Henri Beaugiron et dont le père serait Auguste Albert Gaston Florian Mollard, mais ce n’est pas officiel. L’homme fut pourtant élégant puisqu’il laissa la cocotte porter son nom sur scène et lui permit de devenir Marthe de Florian.

Elle vécut des années dans un appartement de 140 m2, square la Bruyère, richement meublé et magnifié par la présence de son portrait peint par Boldini. Son fils, Henri, homme de lettres, habita un temps l’appartement et le légua à son tour à sa fille, Solange Beaugiron.

Mais la malheureuse dut quitter Paris et l’appartement de sa grand-mère en 1942 pendant l’Occupation et se réfugiera en Ardèche jusqu’à la fin de sa vie. (Voir notre article plus complet sur Marthe de Florian et son appartement oublié)

Héra Mirtel et sa fille, Paul : les Scandaleuses du n°3 square La Bruyère

Héra Mirtel - square la Bruyère Paris-La Rue des Dames-Annabel-Gaelis EditionsNée sous le nom de Marie Louise Victoire Grouès (1868-1931), elle fut une femme de lettres et militante féministe française, parmi les plus célèbre. Cette célébrité ne lui fut pas accordée grâce à ses écrits mais pour l’assassinat de son mari, Georges Bessarabo, dont elle envoya le cadavre emballé dans une « malle sanglante » à Nancy par chemin de fer. La complicité de sa fille n’est aujourd’hui plus à mettre en doute mais l’affaire, à l’époque menée par juge bienveillant mais trop utopiste, fit l’objet de nombreux rebondissements et retour en arrières orchestrés par les deux femmes.

Finalement, Héra Mirtel « la Scandaleuse », fut jugée et emprisonnée à la maison centrale de Rennes en 1922. Elle mourut neuf ans plus tard à l’Hôtel-Dieu de la même ville. Elle avait été condamnée à vingt ans de réclusion pour l’assassinat de son second époux car Me Moro-Giafferi, illustre avocat, l’avait défendue avec brio. On notera qu’on la soupçonna d’avoir assassiné aussi son premier mari, mais ce ne fut jamais prouvé.

Elle publia des romans, pièces dramatiques, poèmes, et de nombreux articles sous les pseudonymes de Juliette de Boulogne et de Lotus. Elle fut la fondatrice du journal L’Entente, secrétaire générale de la rédaction de La Renaissance, et donna nombre de conférences sur son sujet de prédilection : le « féminisme matriarcal » en s’appuyant sur les thèses de Johann Jakob Bachofen.

Aujourd’hui, on peut se demander si sa crédibilité et ses idées avant-gardistes pour l’époque, n’ont pas perdu de leur force de conviction envers une opinion publique choquée par ses meurtres ? Ces derniers n’ont-il pas contribué à convaincre les hommes des Années folles que rien n’avait de bon dans le féminisme ? La preuve en était faite en la personne même d’Héra Mirtel prouvant par ses actes que de telles idées conduisaient les femmes à l’hystérie puis à un inéluctable « maricide ».

Ainsi, on est en droit de se poser la question : les meurtres commis par d’Héra Mirtel n’ont-ils pas contribué à freiner le féminisme plutôt que de le faire avancer ? En tuant ses maris, n’a-t-elle pas nagé à contre-courant de ses propres idées, faisant un vrai travail de sape, plutôt qu’une réelle illustration de la triste condition féminine de l’époque ? Ces meurtres et mensonges sordides portant les théories d’Héra à leur paroxysme ! N’a-t-elle pas péché par excès et dans son empressement à l’immodération, donné raison aux hommes ? Dans sa révolte et son opposition systématique à ces hommes qu’elle s’est aliénés, n’a-t-elle pas réduits ses arguments, pourtant fondés, en un tas d’absurdités inaudibles, donnant à la gent masculine les bons arguments et tout le loisir de les enterrer ?

Ceci reste à réfléchir… Mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle, elle y croyait !

Félix Galipaux : le monologuiste du n°4 square La Bruyère

les habitants du square la Bruyère Paris-Félix Galipaux-La Rue des Dames-Annabel-Gaelis EditionsNé en 1860 à Bordeaux il ne fut reconnu par sa mère, Louise Fénélon-Galipaux qu’en 1866. Détenteur d’un premier prix au Conservatoire de Paris, il préférera le théâtre du Palais-Royal et celui de la Renaissance plutôt que la Comédie-Française. Auteur de plusieurs pièces de boulevard et de comédies, il acquit sa notoriété comme “monologuiste“, qu’on appellerait de nos jours « humoriste », car il faisait rire grâce à l’esprit de ses textes, sans grimacer ou jouer sur un défaut de prononciation comme on le faisait souvent à l’époque.

On lui attribue la popularité du mot « galipette », a qui il donna un sens figuré en l’utilisant dans l’intitulé de ses saynètes et petites pièces en 1887. Ce mot d’origine dialectale, probablement de l’Ouest (v1865) signifiait « cabriole et culbute » et « faire des galipettes » s’utilisa très vite pour parler d’ébats érotiques. Félix Galipaux écrivit un recueil d’histoires autour du terme « galipette » qu’il titra Galipettes, dont le succès fut si phénoménal qu’on lui réclama cinq autres volumes de 1887 à 1905. (Encore des Galipettes ; Toujours des Galipettes ; Rien que des Galipettes ; Plus que jamais des Galipettes ; Re-GalipettesHistoires de théâtre.

Mais Félix Galipaux avait plusieurs cordes à son arc, il était aussi violoniste et romancier et dramaturge.

Régina Badet : l’étoile et comédienne du n°1 square la Bruyère

Les habitants du square la Bruyère Paris-Regina Badet-La Rue des Dames-Annabel-Gaelis EditionsNée le 9 octobre 1876, Anne Régina Badet, est une actrice et danseuse, étoile de l’Opéra-Comique de Paris. Petit prodige de la danse, elle débute au Grand Théâtre de Bordeaux comme première danseuse (1890), et s’installe à Paris dix ans après pour entamer une carrière de comédienne et de danseuse. Elle se distingue des autres danseuses et comédienne en 1910 lorsqu’elle endosse le rôle de Conchita Perez dans La Femme et le Pantin de Pierre Louÿs et Pierre Frondaie. Elle fait une brève apparition au cinéma puis quitte les planches et l’écran dans les années 1920.

Les années de gloire de Régina Badet se situant en plein cœur de la Belle Époque (où il n’était pas rare que les comédiennes et danseuses fassent partie du monde des demi-mondaines et des cocottes et embrassent une belle carrière grâce à des talents plus intimes et le porte-monnaie de riches admirateurs), la belle Régina osa monter sur scène légèrement dénudée comme ces consœurs aimaient à le faire pour choquer un peu et s’assurer le succès de leur pièce de théâtre. Elle montra donc l’épaule et le sein de Conchita Perez qu’elle incarnait pourtant en toute dévotion. Ainsi le parquet de la Seine fut amené à envoyer le chef de la brigade mobile pour aller vérifier si ce que l’on disait de ce sein et de cette épaule était bien vrai ! Mais les charmes de Régina eurent raison de l’honnêteté chaste de ce chef de brigade qui après avoir vu le spectacle se porta garant de l’intégrité et de la vertu de la comédienne tout en faisant remarquer que les jeunes femmes du public n’étaient pas mieux vêtues ! Voici un extrait du rapport qui s’ensuivit publié dans Le Petit Parisien :

« Le président de la Ligue contre la licence des rues avait attiré l’attention du parquet de la Seine sur le fait que plusieurs théâtres ou music-halls, exhibaient actuellement des femmes nues sur la scène, plainte qui ne visait point particulièrement le Théâtre Antoine et Mlle Régina Badet qui, dans La Femme et le Pantin, danse un pas suggestif. Vallette, chef de la brigade mobile, se transporta la semaine dernière au théâtre Antoine et examina attentivement le costume et les attitudes de Mlle Régina Badet dans la pièce qui se joue actuellement. […] M. Vallette, disons-le tout de suite, n’a pas trouvé du tout inconvenant — en eût-il en effet pu être autrement au théâtre que dirige M.Gémier ? — le déshabillé de Mlle Régina Badet.

Des pieds à la taille, un maillot impeccable dissimule suffisamment les formes de la gracieuse artiste. Le haut du corps est assurément voilé avec moins de modestie. Mais, s’empresse d’ajouter le constat, il n’y a là rien d’excessif, ainsi qu’en témoigne l’attitude du public qui, de toute la soirée, n’a pas fait entendre une protestation.

Vallette termine en remarquant très judicieusement que, dans la salle, nombre de spectatrices, qui, elles, n’ont point l’excuse de tenir un rôle d’art, font preuve d’autant de hardiesse que la charmante pensionnaire de M. Gémier, ce dont nul ne parait s’offusquer. »

Le Petit Parisien, 28 décembre 1910.

La Rue des Dames , T-5 des Enquêtes de Simon par Annabel
La Rue des Dames-Les Enquêtes de Simon-T5- Annabel-Gaelis Editions

 

 

 

 

 

 

 

 

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